Les « ciseaux » génétiques Crispr-Cas9 enjeux et fonctionnement

John De Vos

 

 

 

 

 

 

 

Enregistrement sonore de l’exposé de John De Vos

Powerpoint utilisé par John De Vos au format PDF

 

La séance « Questions – Réponses »


Compte rendu écrit de la séance questions-réponses :
Les questions et commentaires sont regroupés. Les réponses ou explications de John De Vos sont notées R.

* À propos des limites à une application généralisée du programme, il peut s’en trouver du fait que certaines maladies génétiques sont dans certains cas un avantage adaptatif (ex : la thalassémie dans les zones à malaria).
R : les perspectives d’évolution sont incertaines selon le point d’application du programme. Par exemple concernant l’intelligence, sauf à pratiquer le try and fail sur l’être humain, chose que la déontologie réprouve. En tout état de cause, on n’a pas fini de comprendre notre génome. L’agenda sombre est reporté à d’autres générations, sachant que l’IA va accélérer la recherche. Le danger est réel.
* Le programme peut-il s’appliquer aux maladies mentales pour autant qu’elles soient liées à un problème génétique, lequel est souvent difficile à établir avec certitude ?
R : le problème est surtout que quand les maladies du type schizophrénie se déclarent, quelle qu’en soit l’origine, le cerveau est déjà construit si bien que le programme n’est pas applicable.
* Le programme peut-il s’appliquer à une maladie comme l’hémochromatose ?
R : Oui, il s’agit d’une maladie banale qui a peut-être constitué un avantage sélectif dans le passé, mais qui est devenue un danger au fil des siècles.
* Remarque : la terminologie employée par Habermas est intéressante ; il parle d’eugénisme libéral (reporté sur les parents et non sur la société), devenu eugénisme négatif car on écarte une caractéristique au lieu d’en ajouter une.
Explication sur le programme Calico, qui débouche sur du transhumanisme, habillé sous les termes d’augmentation ou d’amélioration de l’être humain. Termes qui peuvent s’analyser comme une forme de propagande, méconnaissant le fait que certaines cultures peuvent être réfractaires à cela. Voir les choses sous cet angle conduit au constat que d’une certaine manière c’est la société elle-même qui opère la pression sélective (ex la durée de vie, socialement déterminée en fonction de l’appartenance à telle ou telle catégorie professionnelle).
(Calico est une société de biotechnologies fondée le 18 septembre 2013 par Google, dans le complexe secret Google X Lab, avec le but avoué de se concentrer sur le défi de la lutte contre le vieillissement et les maladies associées avec pour projet de Tuer la mort. La nouvelle société est dirigée par Arthur Levinson, biologiste siégeant par ailleurs au conseil d’administration d’Apple ainsi que du laboratoire pharmaceutique Hoffmann-La Roche, dirigeant l’entreprise américaine de biotechnologie Genentech. Le nom de Calico est un raccourci pour la California Life Company. (Fiche Wikipedia)
Quant à savoir si « tout ce qui peut se faire se fera » comme on en fait l’hypothèse, cela peut être reformulé en termes de « tout ce qui peut s’inscrire dans le prolongement de la société actuelle » (capitaliste donc) est susceptible d’être développé.
R : pas nécessairement, le désir de prolonger sa propre vie ou celle de ses descendants ne répond pas seulement à une visée économique.
Autre remarque qui va également dans ce sens : quand on a l’argent, que peut on souhaiter sinon la santé et la durée de vie pour soi-même ou pour ses enfants ? Le risque d’une trop grande frilosité en Europe est que les talents partent et que les découvertes se fassent ailleurs.
R : oui ce risque existe. Parfois la frilosité s’efface. Exemple de la France sur la FIV qui a mis longtemps à l’accepter, ainsi que la recherche sur l’embryon humain.
Question à propos de l’épigénétique.
R : tout ce qui est « autour de l’ADN », l’épigénome, est effacé au passage d’une génération à la suivante. Pourtant, dans le végétal il a été démontré que que l’ADN se transmet avec ce qui est « collé » autour. Mais chez l’humain, on n’est pas sûr. D’ailleurs il y a loin de la transformation épigénétique à la transformation génétique. Mais si on modifie l’ADN on modifiera les conséquences. Il existe bel et bien des traits épigénétiques transmis d’une génération à l’autre.
Remarque : l’amélioration génétique nous prive peut-être des miracles dus au hasard. De toute façon il y aura toujours des mutations même en imaginant quelqu’un de parfait.
Remarque : pourquoi s’en tenir à une vision pessimiste ? Pourquoi s’interdire de répondre à ce que tout être humain désire, santé, liberté, longévité ? L’Homme a ainsi le moyen d’être son propre Dieu. Pourquoi s’en priver, pourquoi attendre ?
Question : est-il possible de faire séquencer son génome, et devrons-nous bientôt le transmettre à notre assureur ou à notre employeur ?
R : on n’a pas le droit de faire séquencer son génome en France sauf sur prescription médicale. Aux Etats-Unis, il y a eu flottement sur cette question.
Remarque : ne pourrait-on imaginer que des hommes améliorés soient considérés comme des OGM et rejetés à ce titre ?
Discussion sur ce qui apparaît parfois comme un mur entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Le cas de Crispr-Cas9, dont la 1e étape a été le fait d’une découverte aléatoire dans une usine fabriquant des yaourts montre l’importance de la sérendipité dans les progrès de la science.
R : le programme est l’illustration d’un dialogue entre les deux faces de la recherche scientifique. Mais trop de recherche appliquée peut aussi avoir pour conséquence moins de recherche fondamentale. C’est la finance qui oriente la recherche (mais quelqu’un rappelle que c’est aussi le politique).
Remarque : la promesse de guérison de toutes les maladies est un rêve très ancien (cf Bacon). La protection en Europe contre les risques de dérive est-elle réelle, dans une logique de concurrence ? Les applications médicales proposées peuvent conduire à dépasser les réticences contre la collecte des données. Même des souhaits non marqués au départ par la recherche de profit peuvent ensuite évoluer dans ce sens.
R : pour l’Europe, si elle est libérale, le risque existe mais la volonté d’encadrement peut se concrétiser sur l’ensemble du continent.
Question : de quoi mourrons-nous si on guérit le vieillissement ? Est-il souhaitable qu’on guérisse toutes les maladies ? Comment gérer ça ?
R : il y a une limite économique mais aussi psychologique, car le rêve d’échapper au vieillissement ou à la maladie conduit à l’isolement (refus du contact avec les autres, supposé contaminant).
Conclusion générale sur l’intérêt de la séance, qui correspond à un des objectifs du CZLR, à savoir approfondir les éléments de connaissance scientifique dont chacun peut disposer pour se former une opinion.
Notes de Jean-Luc Bernet