Ce que nous dit la recherche en matière de psychothérapie

LES FAITS SONT NOS AMIS

 Ce que nous dit la recherche  en matière de counselling et de  psychothérapie[1]

Mick Cooper Professeur de Counselling à l’Université de Strathclyde (Traduction: Françoise Ducroux-Biass)

Quelles sont les thérapies qui donnent les meilleurs résultats? Les thérapies directives sont-elles plus efficaces que les thérapies non-directives? Quelles sont les participations relatives du thérapeute et du client  dans le résultat de la thérapie? Dans le monde de la thérapie d’aujourd’hui, il est de plus en plus demandé aux counsellors[2] et aux thérapeutes d’être capables de répondre à de telles questions et de faire reposer leur pratique sur un ensemble compréhensif de connaissances issues de la recherche.  Par exemple, au Royaume-Uni, le Health Professions Council [3], qui semble prêt à réglementer le counselling et la psychothérapie, stipule dans les Normes d’Education et de Formation[4] que les cours devront aider les étudiants  à développer une pratique basée sur  la preuve.[5] [1] Or  le « Programme pour l’amélioration de l’accès aux thérapies de la psychologie »[6], récemment lancé, a attribué 173 million de livres sterling[7] au développement des services de santé mentale au Royaume-Uni. Ce programme  sera exclusivement centré sur ces thérapies pour lesquelles la preuve de l’efficacité repose clairement sur des test cliniques randomisés [2].

 

Pour les counsellors et les psychothérapeutes, il suffit de moins en moins de dire, « je sais que ce que je fais, ça marche » pour justifier leur pratique . Et pourquoi faudrait-il  qu’il en soit ainsi : en effet, les charlatans, les marchands de soupe et les défenseurs de traitements maintenant abandonnés, comme le coma insulinique dans le traitement des schizophrènes, pourraient prétendre en faire autant. La réalité c’est que les thérapeutes se trompent.  Par exemple 90 pour cent d’entre eux se placent dans  les  premiers 25 pour cent [Dew & Reimer, 2003, cités en 3] en matière de prestation de services, ce ne sont donc pas les expériences, les perceptions et les croyances des thérapeutes qui font que leurs thérapies sont forcément efficaces. Et même le feedback positif des clients a ses limites : la recherche sur le phénomène de la « déférence » [4] montre que les clients taisent au thérapeute leurs jugements les plus négatifs ou les plus critiques. Ainsi ceux qui n’ont pas trouvé d’aide dans  leur thérapie peuvent-ils quand même dire à leur thérapeute combien celle-ci leur fut utile.

 

Il y a quand même une  bonne nouvelle pour les counsellors et les psychothérapeutes : il existe un vaste corps de preuves empiriques qui soutient leur pratique – pas seulement la TCC[8] – mais aussi un large panel de pratiques psychologiques. Par contre, il y a une mauvaise nouvelle : peu de thérapeutes ont réellement pris conscience de cette réalité et s’en inspirent dans leur travail. Par exemple, une enquête de psychothérapeutes américains fait ressortir que seulement 4 pour cent d’entre eux considèrent que la littérature issue de la recherche constitue la source d’information la plus utile sur la manière de pratiquer; 48 pour cent placent l’expérience « qu’ils sont en train de faire avec leurs clients » au haut de l’échelle ;  pour 10 pour cent la source la plus utile est la littérature théorique et, finalement, 8 pour cent situent à un niveau très élevé leur propre expérience en tant que clients [5].

 

L’une des raison pour lesquelles les psychothérapeutes ne semblent pas tirer avantage des informations fournies par la recherche vient du fait que celles-ci sont très rarement communiquées de manière « claire et adéquate ». [5] On a besoin de textes qui puissent communiquer les résultats de la recherche dans une langue accessible, dépouillée de  jargon. En 2005 la BACP[9] m’a octroyé une subvention pour écrire le livre intitulé Les résultats essentiels de la recherche en counselling et psychothérapie: Les faits sont nos amis[10],  dont le présent article résume quelques uns des principaux résultats.

 

Toutefois, avant de me lancer dans les détails, il me semble utile que je vous dise quelques mots de mon background. Il est évident qu’il ne me serait pas possible de vous présenter un résumé objectif de toutes les données. Or savoir « d’où vient un à auteur » peut aider à identifier les omissions et distorsions potentielles inévitables à tout compte-rendu. J’en suis arrivé à voir que la pierre de touche de mon travail thérapeutique est progressivement une vision politique [6] et que je suis particulièrement attiré par ces thérapies qui préconisent une relation client-thérapeute relativement égalitaire comme l’approche centrée sur la personne et les thérapies existentielles. En même temps, étant convaincu de l’unicité de chaque client individuel, je crois passionnément qu’il n’y a pas qu’une seule et « meilleure » thérapie pour tous [7]. Dans une certaine mesure, cette dérive pluraliste vient de mes expériences en tant que client: j’ai fait l’expérience, et je l’ai trouvée aidante, d’un large éventail de thérapies différentes, en particulier de la thérapie comportementale, de l’approche centrée sur la personne et de la psychodynamique. Quant à la recherche, finalement, du fait qu’elle donne voix aux besoins, aux préférences et aux expériences des clients,  je lui vois un rôle important en matière d’information, d’engagement et de stimulation des thérapeutes. Cela ne veut pas dire que se confronter aux résultats de la recherche soit confortable et rassurant mais, comme  il y a plus de 50 ans écrivait Carl Rogers, [8] « les faits sont toujours nos amis », car « chaque petit bout de preuve que chacun peut acquérir, quel qu’en soit le domaine, le rapproche toujours un peu plus de ce qui est vrai .»

 

 L’efficacité par dessus tout.

Est-ce que la thérapie ça  marche? Fortuitement, la réponse à cette question est simple: Oui. Ou d’une manière plus élaborée, les études sur le comportement, les sentiments ou les fonctionnements psychologiques des clients avant et après thérapie  montrent clairement que, en moyenne, la plupart des clients vont mieux après la thérapie qu’avant. Par exemple, une étude met en évidence qu’avant une série de séances de thérapie familiale des clients atteints d’anorexie mentale pesaient en moyenne 40 kg [9]). Après 12 mois de thérapie, ils pesaient en moyenne 48,2kg. Bien sûr, devant une  telle évidence reste à savoir si les clients seraient allés mieux de toute façon sans thérapie. C’est pourquoi il existe un test plus rigoureux d’« essais contrôlés » pour comparer les changement constatés pendant une période de thérapie avec  les changements survenant, pendant une période équivalente, chez des individus qui ne suivent aucune thérapie. Que montre ici la recherche ? A peu près la même chose. King  King [10] et ses collègues ont ainsi trouvé que chez des clients qui avaient bénéficié d’une thérapie non-directive, l’indice de dépression était tombé de 13.9 points, alors que chez des individus traités de manière habituelle par leur médecin traitant il n’était tombé que de 9.3.

 

En combinant ces résultats provenant d’un large panel d’essais contrôlés, des études « méta-analytiques » ont démontré que le counselling et la psychothérapie ont un effet largement positif [11] – vraiment plus important que la moyennes des procédés  médicaux ou chirurgicaux  [Caspi, 2004, cité en 12]. Plus précisément, ce que montre la recherche c’est qu’approximativement 80% des gens iront mieux après une thérapie que la personne moyenne qui n’a pas fait de thérapie. Imaginez, par exemple que  ‘Frank’ aille voir son médecin pour une dépression et que celui-ci l’encourage à attendre que les choses s’arrangent. Puis deux mois plus tard, imaginez Frank se sentant peut-être un peu mieux mais encore relativement déprimé. Maintenant imaginez dix personnes qui vont voir leur médecin mais qui, cette-fois-ci, sont envoyées en thérapie. D’après la recherche, environ huit de ces personnes se sentiront mieux que Frank au bout de deux mois, alors que deux d’entre elles iront plus mal.

 

Du point de vue de l’efficacité en général, voici ce que nous avons appris de la recherche:

  • En santé mentale, les améliorations semblent se maintenir pendant une année ou deux après la fin de la thérapie mais l’impact  de plus longue durée des interventions psychologiques est moins clair [13]
  • Dans le cas des troubles psychologiques les thérapies par la parole sont en général aussi efficace que les traitements pharmaceutiques; le taux des rechutes et des abandons semble plus bas [14]
  • Parmi les formes de traitement en santé mentale le counselling et la psychothérapie ont un coût relativement élevé – particulièrement pour les individus les plus atteints psychologiquement – mais l’avantage économique dépasse en fait de beaucoup leur contribution à la santé et le bien être psychologique[11] [15]
  • Le nombre de clients dont l’état se détériore à la suite d’une thérapie est environ de 10%. [16]

 

Les facteurs d’orientation et de technique

D’un point de vue général, donc,  la thérapie est efficace.  Mais  est-ce vrai de toutes les thérapies, ou bien certaines thérapies sont-elles plus efficaces que d’autres? Cette question est probablement la plus controversée du champ de la recherche en counselling et psychothérapie; il peut y être répondu de manière très différente suivant  la manière dont l’évidence est appréhendée.

 

Si, d’un côté, on considère les thérapies particulières qui ont été démontrées comme   efficaces dans des troubles psychologiques particuliers – tels les traitements reposant sur les bases empiriques que prônent leurs défenseurs – c’est, sans nul doute, pour la TCC que la preuve par l’évidence est la plus forte. Les essais contrôlés de haute qualité démontrant l’efficacité de la TCC dans la dépression sont pléthore [17] alors qu’il n’existe qu’une poignée d’études en thérapie centrée sur la personne  qui démontrent la même chose. Tandis que l’efficacité de la TCC a été prouvée dans de nombreux troubles psychologiques tels que phobies, paniques, TSPT[12],  boulimie, problèmes sexuels, auto-mutilation, on ne trouve que peu de preuves équivalentes dans le vaste tableau des pratiques non TCC [18].

 

Mais en même temps il est essentiel de noter que « plus grande évidence d’efficacité » ne signifie pas « évidence d’une plus grande efficacité ». Dans la majorité des cas, la raison pour laquelle les thérapies non TCC ne sont pas considérées comme efficaces pour des problèmes psychologiques particuliers vient simplement du fait que personne ne les a encore  étudiées. Comme Westen et ses collègues [19]) l’ont écrit: « Le meilleur des prédicteurs pour savoir si un traitement est prêt à figurer sur la liste des traitements empiriques serait peut-être que quelqu’un ait été assez motivé (et payé) pour le tester  et que ce traitement soit facilement et rapidement vérifiable ». En effet, là où des études sont mises en œuvre dans le but de comparer l’efficacité des thérapies psychologiques les résultats sont unanimes pour dire que ces thérapies sont presque toutes équivalentes dans leur efficacité ou marginalement différentes [11] (ceci est particulièrement vrai des études menées par des instances indépendantes,  lorsque des thérapie sérieuses sont comparées [20]). Dans la littérature du counselling et de la psychothérapie ce résultat est désormais connu comme le verdict « du dodo », d’après le dodo d’Alice au pays des merveilles qui, après avoir arbitré une course de drontes autour d’un lac déclare que « tous ont gagné, donc tous doivent avoir un prix ».

 

Le verdict du dodo est un résultat particulièrement omniprésent dans la littérature de   la psychothérapie et du counselling. Par exemple, non seulement les différentes thérapies semblent avoir vraiment une efficacité équivalente mais aussi les résultats tendent à être relativement similaires  lorsque sont comparées

  • les thérapies de groupe aux thérapies individuelles [21]
  • les thérapies complètes aux composants spécifiques de ces mêmes thérapies (par exemple, ensemble global de TCC face simplement à son élément comportemental [22].
  • les thérapies effectuées par des professionnels aux thérapies effectuées par des para professionnels [23]
  • les pratiques d’autothérapie aux thérapies interpersonnelles [24] .

 

Les facteurs relatifs au thérapeute

Si donc les orientations du thérapeute ne sont pas les déterminants principaux de l’efficacité  (ou de la non efficacité) de la thérapie,  qu’est-ce qui l’est?  Dans l’édition d’avril 2008 de Therapy Today (La thérapie aujourd’hui) [25], Scott Miller et ses collègues suggèrent qu’il s’agit de quelque chose qui a  à faire avec les thérapeutes eux-mêmes à savoir leur personnalité, leur ouverture au feed-back ou leurs expériences professionnelles et personnelles. Confortant cette hypothèse la recherche met en évidence des différences substantielles dans les résultats obtenus par les thérapeutes dans leur l’ensemble. Par exemple, une étude effectuée dans un centre de counselling universitaire, fait état d’un taux d’amélioration dix fois supérieur à la moyenne chez les clients du thérapeute le plus efficace tandis qu’elle  montre une  péjoration moyenne des problèmes des clients du thérapeute le moins efficace [26]. A travers une série d’études, il ressort que  5 à 10% de la variance des résultats coïncident à des différences repérées chez les thérapeutes [2]) alors que tout juste 1%  est attribuable à l’orientation particulière du thérapeute [1]. Cela veut dire que les différences en efficacité qui existent d’un praticien TCC à un autre, ou d’un psychodynamicien à un autre sont considérablement plus importantes que les différences qui existent entre tous les praticiens TCC et tous les psychodynamiciens ou tous le thérapeutes de quelque  autre orientation.

 

Moins claires, cependant,  sont les caractéristiques particulières du thérapeute liées aux résultats. Par exemple, d’après la recherche, les caractéristiques des thérapeutes ci-après ne seraient, dans le meilleur des cas, que modérément en lien avec l’efficacité du thérapeute:

  • traits de personnalité
  • niveau de bien-être psychologique
  • caractéristiques démographiques, à savoir : genre, ethnie, âge, orientation sexuelle
  • durée de formation professionnelle
  • expérience en tant que thérapeute
  • expérience de vie [28]

 

Toutefois, eu égard aux caractéristiques du thérapeute, l’un des constats  marquants de la recherche concerne le fait que les clients issus de groupes sociaux marginalisés, (comme des lesbiennes) ou de clients porteurs de valeurs fortes, expriment une préférence pour des thérapeutes présentant des caractéristiques similaires ; avec eux ils semblent aller mieux et rester plus longtemps en thérapie. Par exemple une étude note que des clients afro-américains ont environ dix-sept séances avec des thérapeutes blancs alors que la moyenne est de 25 séances avec des thérapeutes afro-américains [29]. Cependant plutôt que dans les caractéristiques particulières des thérapeutes elles-mêmes, la raison principale de cette différence pourrait, d’après la recherche, se situer dans le fait que de tels thérapeutes sont ou seront peut-être perçus comme plus acceptants. Une autre enquête [30] rapporte, par exemple, que 45 pour cent des juifs orthodoxes préféreraient consulter un thérapeute juif orthodoxe de crainte que des thérapeutes juifs non-orthodoxes ne réagissent négativement à leur encontre. L’un d’entre eux dit même :  « Quelqu’un non-frum  (orthodoxe) essaierait de me conduire dans une direction non-frum » [30]. Il est toutefois intéressant de noter que les personnes qui ont exprimé leur préférence de ne pas consulter un thérapeute juif orthodoxe  (20 pour cent) l’ont fait pour des raisons similaires, c’est à dire par crainte qu’un thérapeute juif orthodoxe ne les juge ou les critique : « J’ai vraiment choisi quelqu’un …qui était vraiment « hors-les-murs » du judaïsme  parce que j’ai senti que je pourrais dire certaines des choses que j’ai à dire sans crainte d’entendre…« Comment  pouvez-vous  même penser de telles choses?! »[30].

 

Facteurs relationnels

De telles évidences peuvent faire penser que la contribution-clé des thérapeutes aux résultats de la thérapie a moins à voir avec ce qu’ils sont eux-mêmes, qu’avec la manière dont ils sont en relation avec leurs clients. Dans cet esprit Michael Lambert, l’un des chercheurs en psychothérapie mondialement connu, estime que la relation thérapeutique compte pour au moins 30% de la variance dans les résultats [31]. Et tandis que d’autres rapporteurs ont avancé des chiffres plus modestes, tels que 17% [32], les autorités susceptibles de mettre en doute l’importance de la relation en général   sont peu nombreuses dans ce domaine. Il est également important de noter que les qualités relationnelles apparaissent comme étant aussi importantes dans les thérapies non-relationnellement orientées (par exemple la TCC) que dans les thérapies relationnellement orientées. En fait, dans une recension de cinq études rétrospectives demandant aux clients quel avait été l’aspect le plus aidant de leur TCC, les réponses indiquaient de manière constante que la relation avec le thérapeute avait été plus aidante que les techniques cognitivo-comportementales [33].

 

Pour ce qui est des aspects de la relation thérapeutique le plus étroitement en lien avec les résultats, une recension extensive de la recherche effectuée par une ‘taskforce’ de la Division de psychothérapie de l’Association américaine de psychologie [34] a identifié quatre éléments «efficaces de façon démontrable» et sept autres  éléments « prometteurs et probablement efficaces de façon démontrable ». Ces éléments sont listés ci-dessous dans un ordre décroissant suivant l’évaluation de l’importance de leur relation avec les résultats  ( les éléments prédicteurs les plus forts étant en tête).

 

Efficaces de façon démontrable

  • consensus et collaboration sur les buts
  • cohésion en thérapie de groupe
  • alliance thérapeutique
  • empathie

 

Prometteurs et probablement efficaces de façon démontrable

  • gestion du contre-transfert
  • feedback
  • regard positif
  • congruence
  • ouverture de soi
  • interprétations relationnelles
  • réparation des ruptures d’alliance

 

Est-ce à dire que Carl Rogers eut tout simplement raison lorsque, en 1957 [35],  il fit l’hypothèse qu’un ensemble de conditions relationnelles fournies par le thérapeute (empathie, acceptation et congruence) – avec en parallèle  le contact psychologique,  la vulnérabilité du client et la communication de ces conditions au client – sont les conditions nécessaires et suffisantes pour qu’ait lieu le développement thérapeutique  de la personnalité ? Aujourd’hui, basée sur l’évidence, la réponse à cette question est presque certainement « non », et ce, pour un certain nombre de raisons. D’abord, comme cela fut dit précédemment, il est clair que bien des thérapies non-interpersonnelles, tels des programmes de thérapies sur internet et dans des manuels d’autothérapie, peuvent être hautement efficaces [24, 36]. Ensuite, le fait que des facteurs relationnels (voire même tout autre facteur) soient en lien avec les résultats, ne prouve pas que les premiers soient la cause des seconds; il se peut très bien, par exemple,  que des clients qui se sentent mieux en thérapie commencent à se sentir plus positifs vis à vis de leur thérapeute. Troisièmement, alors qu’une bonne relation thérapeutique laisse augurer de bons résultats thérapeutiques, il est essentiel de se rappeler que celle-ci  n’est pas fournie au client par le thérapeute, mais que c’est quelque chose qui émerge de l’interaction entre le client et le thérapeute (37). Alors que 56 pour cent des études font état d’une relation positive entre ce que les thérapeutes pensent de leurs clients et les résultats, 69 pour cent montrent l’existence d’une relation positive entre les résultats et ce que les clients pensent de leur thérapeute  [37].

 

Les Facteurs relatifs au client

Il se peut que, paradoxalement, certains thérapeutes centrés sur le client tels que Rogers aient sous-estimé la contribution des clients aux résultats de la thérapie. D’après la recherche, en effet, les facteurs relatifs aux clients sont probablement les déterminants des résultats thérapeutiques les plus importants, et comptent pour 70% dans l’efficacité globale du counselling et de la psychothérapie. [28]

 

L’ampleur de la participation active des clients dans la thérapie semble être un des prédicteurs d’efficacité particulièrement forts. Orlinsky et ses collègues, à la recherche de l’évidence à travers un large panel de variables – clients, thérapeutes et autres variables relationnelles – pensent que « le déterminant des résultats le plus important» est probablement la participation du client [38]) dont 20 pour cent ou plus   compteraient dans la seule amélioration [39]. Ceci est corroboré par une étude antérieure de Heine et Trosman [40] selon laquelle 67 pour cent des clients qui considéraient qu’ils avaient eux-mêmes un rôle actif à jouer dans le processus thérapeutique poursuivaient leur thérapie au-delà de six semaines contre 28 pour cent de ceux qui avaient placé toute la responsabilité dans les mains de leur thérapeute. Comme pour les facteurs relationnels cette association semblerait être aussi forte dans les thérapies techniquement orientées que dans les thérapies moins directives. Etroitement liés à la participation des clients, plusieurs autres résultats positifs ont été associés à des clients qui:

  • sont davantage pro actifs dans la décision de faire une thérapie
  • sont davantage disposés à investir le rôle de client
  • ont des attentes assez élevées (mais non irréalistes) des résultats thérapeutiques
  • croient que les traitements psychologiques vont les aider
  • ont des attentes réalistes sur ce qui va se passer en thérapie. (28)

 

Il ressort aussi de la recherche que les clients qui ont un fonctionnement psychosocial de haut niveau tendent à tirer le plus grand parti de la thérapie. Plus précisément, les meilleurs résultats thérapeutiques sont associés à des clients qui:

  • ont des styles d’attachement plus sûrs
  • sont davantage capables de penser à eux-mêmes en termes psychologiques ( sens psycho-social)
  • n’ont pas de « troubles de la personnalité » diagnostiqués
  • sont moins perfectionnistes
  • jouissent d’un solide soutien social  (28)

 

Pourquoi en est-il ainsi? Ce n’est pas clair. Mais il semblerait que les clients qui viennent en thérapie en ayant de bonnes capacités psychologiques et relationnelles soient plus à même de former des alliances thérapeutiques fortes et d’entrer efficacement dans le processus thérapeutique (voir plus haut), alors que ceux qui sont moins pourvus de telles capacités devront lutter pour faire usage de la thérapie. A ce propos, la recherche  semble indiquer que la thérapie tend à aider les clients à capitaliser sur leurs forces plutôt qu’à compenser leurs déficiences. Et ceci ne semble pas se passer qu’au seul niveau de l’efficacité en générale mais concerne aussi des domaines spécifiques du fonctionnement. Par exemple, il est démontré que les clients qui ont un haut niveau cognitif ont tendance à mieux réussir en thérapies cognitives, et que ceux dont le niveau de fonctionnement social est élevé tendent à mieux réussir en thérapies interpersonnelles (42).

 

Conclusion

Ce que la recherche semble alors indiquer c’est qu’au cœur des voyages thérapeutiques les mieux réussis se trouve un client qui a le désir et la capacité  de s’impliquer dans les changements de sa vie. Si par la suite ce client rencontre un thérapeute en qui il ait confiance, qu’il aime bien et avec lequel il se sente capable de collaborer, alors il aura à sa disposition un large éventail de techniques et de pratiques pour s’approcher de ses buts. Pour des clients différents, différentes formes de méthodes thérapeutiques peuvent être plus ou moins aidantes; et il se peut que certaines formes soient particulièrement efficaces pour des clients qui présentent des difficultés spécifiques particulières. Mais, à l’évidence, le prédicteur-clé du résultat demeure le niveau de désir et de capacité du client à faire usage de ce que le thérapeute lui fournit, quel qu’il  soit. Du coup,  la vieille plaisanterie pourrait  sonner juste:

 

« Combien faut-il de thérapeutes pour changer une ampoule électrique? »

« Un seul  mais c’est à l’ampoule de vraiment vouloir changer. »

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  41. Nelson, R.A. and T.D. Borkovec, Relationship of Client Participation to Psychotherapy. Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, 1989. 20(2): p. 155-162.
  42. Sotsky, S.M., et al., Patient Predictors of Response to Psychotherapy and Pharmacotherapy – Findings in the NIMH Treatment of Depression Collaborative Research-Program. American Journal of Psychiatry, 1991. 148(8): p. 997-1008.

[1]                Ndt. Cet article a été publié pour la première fois dans la revue Therapy today, journal professionnel de la ‘ British Association for Counselling and Psychotherapy’. (BACP), Vol 19, No 7.

[2]                Ndt. « En ACP, il n’existe pas de différence entre les termes et les activités de counselling et de  psychothérapie ». In  K. Tudor and T. Merry, 2006. Dictionary of Person-Centred Psychology, Ross on Wye, (trad. Françoise Ducoux-Biass).
Pour éviter d’avoir recours aux termes français « conseil » et « conseiller » qui ne tranmettent pas ici le sens précis de « counselling » et de « counsellor »  les termes anglais ont été conservés dans le présent article        .

[3]                                    Ndt. en français: le Conseil des professions de santé

[4]                Ndt. en anglais: Standards of Education and Training

[5]                Ndt. en anglais  Evidence based, couramment traduit en français pas ‘basé sur la preuve’, ou ‘basé sur l’évidence ‘ou encore ‘basé sur la preuve de l’évidence’

[6]                Ndt. en anglais: ‘Improving Access to Psychological Therapies Programme’

[7]                Ndt. 173 million  de livres sterling font approximativement 193 million et demi d’euros

[8]                Ndt. TCC: Thérapie cognitive-comportementale

[9]                Ndt. British association for Counselling

[10]              Ndt. titre anglais : Essential Research Findings in Counselling and Psychotherapy: The Facts are Friendly, London, Sage, 2008. Ouvrage non traduit en français

[11]              Note de l’auteur (communication personnelle): »Essentially, it means that offering clients counselling and psychotherapy either saves money, or doesn’t cost ‘the state’, or whoever is paying it, money, because the savings on inpatient treatments and drugs, etc, is equal to, or greater than, the cost of the therapy. . (Cela veut dire en essence qu’en proposant le counselling ou la psychothérapie c’est faire des économie, ou que cela ne coûte rien à l’état ni à tout autre payeur car le coût de l’hospitalisation et des médicaments est égal ou supérieur à celui de de la thérapie).

[12]              Ndt. TSPT: Trouble de stress post-traumatique