Coronavirus : Pourquoi y a-t-il de plus en plus de variants ?

Par Jean-Loup Delmas   « Journal 20 minutes » Publié le 19/01/21

Après les variants britannique, sud-africain ou amazonien, une nouvelle souche du SARS-CoV-2, a été isolée en Allemagne et inquiète sérieusement les autorités. Cette nouvelle mutation du coronavirus a infecté au moins 35 personnes sur les 73 nouveaux cas enregistrés dans un hôpital de Garmisch-Partenkirchen, en Bavière.

Depuis quelques semaines, les découvertes de nouveaux variants se multiplient, sources d’inquiétudes pour les populations et les autorités sanitaires. Au Royaume-Uni, le variant britannique a pris le dessus sur la souche originale et est accusé d’être bien plus transmissible et d’avoir conduit au reconfinement anglais. En France, les DOM-TOM ont pris des mesures sanitaires très strictes pour éviter que les variants, déjà présents en métropole, n’entrent sur leurs territoires. Pourquoi y a-t-il de plus en plus de formes de variants ? 20 Minutes tente d’y voir plus clair.

Est-il normal que le virus mute ?

Oui, d’autant plus que le coronavirus est un virus à ARN, une famille de virus beaucoup plus sujette aux mutations que le virus à ADN, « protégé par des doubles hélices, contrairement à l’ARN qui n’est que sur un seul brin », explique l’épidémiologiste Antoine Flahault, ressuscitant des souvenirs de cours de Sciences de Vie et de la Terre.

Et encore, le Covid-19 est un virus mutant finalement assez peu, comparé à d’autres, notamment la grippe « normale », bien plus sujette aux variants. Le chercheur en épidémiologie Michaël Rochoy explique : « Dès le début, et ce fut l’une des rares bonnes nouvelles, on a constaté que ce virus mutait assez peu. Le nombre de variants en augmentation constante vient aussi du fait qu’on séquence au maximum ce virus et qu’on teste massivement », et non d’un virus particulièrement mutagène.

Pourquoi autant de variants ?

Le virus risque de muter à chaque fois qu’il se transmet. De fait, plus on avance dans le temps, plus le virus se transmet, plus il y a de chances d’avoir des mutations. « En réalité, le virus a muté des milliers de fois depuis Wuhan », explique Antoine Flahault. Simplement, on ne retient que les variants, à savoir un virus avec une vingtaine de mutations par rapport à la souche « originale » et qui se diffuse de manière massive.

Pourquoi certains variants se diffusent-ils plus que d’autres ?

Simple théorie de l’évolution : les individus avec un avantage évolutif se reproduisent plus et à force prennent plus de place que les autres dans la population, au point de les remplacer. Dans le cas des virus, c’est la même chose. Les virus avec un avantage évolutif vont peu à peu s’imposer dans les courbes épidémiques.

Or, pour le moment, le principal avantage pour le coronavirus, c’est une meilleure transmission. Si le variant britannique a à ce point remplacé la souche originale au Royaume-Uni, c’est qu’en se diffusant plus rapidement, il a contaminé plus de personnes, qui elles-mêmes en ont contaminé plus, soit toujours moins de cibles pour la souche originale. Donc tandis que le variant britannique contamine de plus en plus, la souche originale se diffuse de moins en moins, au point d’être quasiment remplacée.

Au contraire, il a dû exister des tas de mutations du coronavirus peu propices à sa transmission, par exemple un coronavirus moins contagieux, mais qui ne s’est de fait pas imposé dans l’épidémie.

Un variant est-il forcément une mauvaise chose ?

Pas nécessairement. Toujours dans le cadre de cette stratégie évolutive, qui consiste simplement à maximiser ses reproductions, un autre gros avantage pour un virus serait d’être indétectable, autrement dit ne pas faire apparaître le moindre symptôme. Ainsi, le malade, ignorant qu’il est infecté, ne se mettrait pas en isolement, et aurait d’autant plus de chances de transmettre le virus à des cas contacts, donnant au virus un plus grand pouvoir reproducteur.

Ce n’est malheureusement pas le cas du variant britannique, plus transmetteur mais pas moins dangereux (pas plus non plus cela étant dit). Mais partant de ce postulat, Michaël Rochoy imagine le coronavirus ultime, qui nous serait en réalité bien pratique : « Il serait quasiment inoffensif, ne ferait que des asymptomatiques, et serait supertransmetteur. Ainsi, il se répandrait extrêmement vite, au point que toute la population serait touchée, ce qui immuniserait tout le monde pour des autres variants de coronavirus donnant des formes graves. »

Cette même approche évolutive permet de diminuer les risques d’un variant extrêmement mortel : en tuant trop rapidement les malades, il diminuerait ses chances de transmission et aurait donc peu de chances de s’imposer dans la population face au coronavirus de base qui fait de nombreux asymptomatiques transmetteurs malgré eux.

Un variant peut-il rendre inefficace les vaccins ?

C’est effectivement le risque, surtout une fois la population majoritairement vaccinée, « où le fait de passer outre le vaccin sera un vrai avantage évolutif, qui pourrait donc donner un variant se répandant massivement », note Antoine Flahault. C’est notamment déjà le cas avec la grippe, mais premièrement le virus de la grippe est comme on l’a déjà dit plus mutagène, deuxièmement, « cette approche davantage évolutive n’arriverait que dans plusieurs années » note l’épidémiologiste, « le temps que le virus s’adapte à la vaccination. »

Or, d’ici quelques années, avec une population mondiale majoritairement vaccinée, « le virus circulera bien moins » souligne Michaël Rochoy, et une fois encore, moins il y a de circulation du virus, moins il y a de risque de mutations et donc de variants. Une raison supplémentaire pour vacciner le plus rapidement possible, afin de couper l’herbe sous le pied du virus. Une course contre la montre, encore et toujours.