Nicole Darmon, INRAE, UMR MOISA, Montpellier
Les 4 dimensions de l’alimentation durable
Pour être qualifiée de durable, l’alimentation doit être 1)nutritionnellement adéquate sûre et saine ; 2) protectrice et respectueuse de la biodiversité et des éco-systèmes ; 3) culturellement acceptable ; 4) économiquement viable, accessible et abordable. La durabilité de notre assiette est doublement influencée : d’une part par la “demande”, c’est à dire nos choix alimentaires, et d’autre part par l’“offre”, c’est à dire les caractéristiques des produits alimentaires disponibles. Malheureusement, les différentes dimensions de l’alimentation durable ne sont pas toujours spontanément compatibles entre elles. Ainsi, il existe un potentiel conflit entre adéquation nutritionnelle et accessibilité financière car les fruits et légumes, dont le profil nutritionnel est excellent et dont la consommation est indispensable à la santé, sont, tout comme la viande et le poisson, les sources de calories les plus chères dans notre alimentation. A l’opposé, les produits gras/sucrés/salés (chips, biscuits, et tous les aliments faits de farine, d’huile et de sucre…), sont parmi les sources de calories les moins chères de notre alimentation et ont de faibles impacts environnementaux (car issus de productions végétales de masse) mais sont délétères pour la santé quand ils sont consommés en excès. De plus ces produits sont très palatables, pratiques, faciles à stocker et à préparer et ne risquent pas de se gaspiller, autant d’attributs recherchés par les consommateurs, surtout les plus défavorisés d’entre nous. Quant aux produits céréaliers raffinés (pâtes ordinaires, riz blanc, pain blanc), ils présentent des avantages similaires à ceux des produits gras/sucrés/salés, avec une composition nutritionnelle moins problématique mais qui est loin d’être optimale.
Pour concilier intelligemment les différentes exigences de la durabilité, il faudra donc diversifier et augmenter les consommations de produits végétaux non raffinés (fruits et légumes, produits céréaliers complets, fruits oléagineux et légumes secs), en réduisant les consommations de produits animaux, et en les réorientant vers des sources les moins impactantes pour l’environnement comme les produits laitiers frais et les œufs, ainsi que les viandes issues de modes de production plus durables. L’acceptabilité culturelle de cette transition passe autant par un changement des représentations, vis-à-vis de la viande notamment, que par une facilitation de l’adoption de ces nouveaux comportements par développement d’une offre adaptées aux attentes des consommateurs. Les conseils visant à la suppression de catégories entières d’aliments ne sont pas justifiés, d’autant plus qu’ils remettent en cause une dimension centrale de la durabilité de l’alimentation : son acceptabilité culturelle.
Mais avant tout, n’oublions pas que le premier levier pour réduire l’impact environnemental de notre alimentation est certainement d’acheter moins, de gaspiller moins, et de manger juste ce dont nous avons besoin, ce qui est tout à fait cohérent avec les messages de santé publique pour lutter contre le surpoids et l’obésité. Ceci permet aussi de maîtriser le budget alimentaire. En conclusion, une alimentation plus durable est diversifiée, flexitarienne et frugale. Elle est généralement moins chère car la viande est le poste budgétaire le plus élevé dans l’alimentation des français, quel que soit leur statut socio-économique. Il cependant n’est pas nécessaire ni souhaitable d’éliminer des catégories entières d’aliments pour améliorer la durabilité de son alimentation.