Pseudo sciences et ressources humaines

Valeur de trois pseudo-sciences utilisées par certaines entreprises et administrations pour le recrutement et la gestion des ressources humaines : Graphologie  Astrologie  Biorythmes

 

Pourquoi ce dossier ?

Même si le recours aux techniques ésotériques par certaines entreprises ne date pas d’hier, force est de constater que jamais elles n’ont rencontré autant de succès qu’actuellement. Pour certains dirigeants d’entreprises ou d’administrations, ces disciplines ont acquis une valeur et une pertinence qu’aucun travail scientifique ne leur reconnaît. Bien souvent, la pratique de l’entreprise n’est que l’application de la croyance de son dirigeant. Cependant, devant la médiatisation des thèmes liés au « paranormal », d’autres décideurs pourraient croire que ces techniques peuvent les aider, notamment dans le recrutement et la gestion de leur personnel.
C’est pour aider dirigeants, salariés et personnes sans-emploi à y voir plus clair que ce dossier a été créé. Quelle que soit sa place dans la société, chaque citoyen peut être confronté à ces pratiques, illusoires autant que discriminatoires : il a donc le droit de savoir.

L. Puech

Sommaire

 

Valeur de la graphologie pour le recrutement en entreprise.

  • Une méthode de recrutement très utilisée par les entreprises françaises…
  • Mais abandonnée dans les pays voisins !
  • Une formation sérieuse, du moins en apparence…
  • La graphologie n’a toujours pas prouvé sa pertinence.
  • Ne pas confondre « expertise en écriture » et graphologie!
  • L’utilisation de la graphologie dans le recrutement est illégale.

Valeur de l’astrologie pour le recrutement en entreprise.

  • Une pratique de plus en plus fréquente.
  • La prétention de tout voir chez une personne.
  • Pas le début de la moindre preuve.
  • Une étude exemplaire…
  • Le dogme astrologique ? Contradictoire et caduc.
  • L’astrologie n’a rien de scientifique.
  • L’utilisation de l’astrologie pour le recrutement est illégale !

Biorythmes et gestion du personnel

  • La théorie des Biorythmes.
  • Une technique encore peu employée, mais…
  • Ne pas confondre biorythmes et rythmes biologiques.
  • Les biorythmes réfutés par l’expérience !

 

QUELLE EST LA VALEUR DE LA GRAPHOLOGIE POUR LE RECRUTEMENT EN ENTREPRISE ?

UNE METHODE DE RECRUTEMENT TRES UTILISEE PAR LES ENTREPRISES FRANÇAISES…

Selon une enquête réalisée en 1989 (1), 93 % des entreprises s’en servent pour sélectionner leurs candidats à l’embauche, dont 55% de façon systématique !

MAIS ABANDONNEE DANS LES PAYS VOISINS !

Après avoir connu un certain engouement par le passé, la graphologie n’est pratiquement plus utilisée en Allemagne : sa validité est contestée et les demandeurs d’emploi refusent majoritairement de s’y soumettre.

Aux Pays-Bas, depuis les travaux d’une commission d’enquête gouvernementale en 1977, concluant au manque de validité scientifique, elle n’est plus utilisée que par 3 % des cabinets de recrutement (contre 97% en France). Au Royaume-Uni et en Norvège, elle n’intervient que dans 2,9 % et 2 % des procédures d’embauche… En Espagne, elle n’est quasiment jamais utilisée. En Europe, seuls les Belges et les Italiens l’utilisent, mais de façon marginale.

Aux États-Unis et au Canada, la graphologie est à ce point ignorée, qu’il est d’usage de répondre à une offre d’emploi par une lettre dactylographiée. Par ailleurs, ni les Asiatiques, ni les Arabes, n’ont développé de recherche sérieuse dans ce domaine.

UNE FORMATION SERIEUSE, DU MOINS EN APPARENCE…

Trois à cinq années de formation selon des critères précis dispensés par la Société Française De Graphologie (SFDG) et le Groupement des Graphologues-Conseils de France (GGCF).

Hélas, l’enseignement dispensé durant les trois premières années consiste en deux heures due cours du soir par semaine, hors congés scolaires ! Et les deux années suivantes se résument à huit séminaires d’une journée… Une formation de Graphologue ne dépasse pas 365 heures ! Soit neuf semaines d’études à raison de 40 heures par semaine. Tout ça pour juger en quelques minutes, en des termes plus ou moins psychologisant, une personne.

Et quand bien même la formation durerait dix ans, cela n’impliquerait pas forcément que les principes de la graphologie sont valides.

Il existe plusieurs écoles de formation à cette discipline. Des études démontrent qu’entre deux graphologues issues de la même école, il y a de nombreux points communs dans l’analyse. Par contre, lorsque ces deux spécialistes ont suivi une formation différente, les analyses divergent fortement… Cependant, même lorsque les jugements des graphologues sont concordants, ils ne sont pas pour autant valides…

LA GRAPHOLOGIE N’A TOUJOURS PAS PROUVE SA PERTINENCE !

Nombre d’études méthodologiquement correctes, sont négatives pour la graphologie. Par exemple celle réalisée en 1989 par Ivan Robertson et Mike Smith, consacrée à l’évaluation de 12 méthodes de sélection de candidats à l’embauche : la graphologie arrive en dernière position avec un coefficient moyen de validité nul…

Sur les quatre seules études d’évaluation réalisées à ce jour dans le domaine professionnel, trois montrent sans aucune ambiguïté que les inférences tirées de l’analyse de l’écriture n’ont aucune validité prédictive. La seule étude qui montre un lien positif souffre malheureusement d’un biais méthodologique : les graphologues disposaient de certaines données biographiques sur les scripteurs…

En 1993, la Commission nationale d’homologation des titres et diplômes du ministère du Travail s’est prononcée pour la suppression de l’homologation accordée depuis 1978 au diplôme du Groupement des graphologues-conseils de France (GGCF). Motif : les 35 membres de ladite commission ont jugé, à une large majorité, que les bases scientifiques de la graphologie ne sont pas établies.

NE PAS CONFONDRE « EXPERTISE EN ECRITURE » ET GRAPHOLOGIE !

Les Experts en écriture travaillent auprès des Tribunaux afin de répondre à des questions précises, tandis que les graphologues se contentent d’appréciations subjectives difficilement vérifiables.

L’UTILISATION DE LA GRAPHOLOGIE DANS LE RECRUTEMENT EST ILLEGALE.

Selon la Loi « relative au recrutement et aux libertés individuelles » (Journal officiel du 1.1.1993), « les méthodes et techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de le finalité poursuivie. » La graphologie ne correspond pas à ce critère.

De plus, cette même loi prévoit que « le candidat à un emploi doit être expressément informé, préalablement à leur mise en ¦uvre, des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard. » Ce qui n’est quasiment jamais le cas.

 

(1) « Les méthodes d’évaluation du personnel utilisées pour le recrutement en France », Marilou Bruchon-Schweitzer et Dominique Ferrieux, L’Orientation scolaire et professionnelle, 1991, 20, n°1.

Sources : Science et Vie n°900 (septembre 1992); n°906 (mars 1993); n°909 (juin 1993); n°913 (octobre 1993); Le Nouvel Observateur 24 juin 1993.

 

Valeur de l’astrologie pour le recrutement en entreprise

Une pratique de plus en plus fréquente

Même si elle reste encore peu utilisée, l’astrologie se répand doucement dans le monde de l’entreprise. Et il n’est plus rare d’entendre un dirigeant se vanter de l’utiliser pour choisir ses collaborateurs (comme Jacques Dessange, en novembre 1995, dans l’émission Ça se discute, France 2), ou de rencontrer des personnes refusées dans un emploi pour cause de mauvais signe astrologique (J’y crois, j’y crois pas, TF1, 4/4/96).

La prétention de tout voir chez une personne

A partir de la date et des coordonnées de naissance d’une personne, l’astrologie affirme pouvoir dévoiler un grand nombre d’informations sur une personne. L’idée peut séduire : la qualité de ses collaborateurs fait la qualité de l’entreprise. D’où l’importance de ne pas se tromper.

Pas le début de la moindre preuve

Mais l’astrologie constitue-t-elle le bon outil ? Quelles preuves de sa véracité apporte-t-elle ? Combien d’études méthodologiquement correctes viennent corroborer les affirmations des astrologues ? Tout simplement aucune.

Une étude exemplaire…

En 1985, Shawn Carlson, réalise, en collaboration et sous le contrôle de la principale association américaine d’astrologie, une expérience rigoureuse visant à vérifier si un astrologue peut définir le portrait psychologique des personnes. Échec cuisant : les résultats sont conformes à ce que donnerait le hasard ! En clair, l’astrologie s’est avérée incapable de cerner le profil psychologique des sujets. (1)

Par ailleurs, un auteur pourtant pro-astrologie(2), et reprenant les conclusions d’un chercheur de la même tendance, signale que « En ce qui concerne les signes du zodiaque, la méthode des traits de caractère confrontée à celle des signes astrologiques ne donne que des résultats négatifs ».

Face à ces travaux, l’astrologie n’avance rien de sérieux.

le dogme astrologique ? Contradictoire et caduc.

L’astrologie serait le fruit de plusieurs millénaires d’études et d’observations ? Mais la planète Pluton, découverte en 1930, se voit affublée dès 1936 de la plus grande partie des influences que lui prêtent aujourd’hui encore les astrologues. Six années ont suffi. Et les planètes possèdent les caractéristiques qui étaient attribuées, il y a plus de mille ans, par les Grecs aux Dieux dont elles portent les noms. En clair, l’astrologie constitue une survivance de la religion polythéiste grecque.

L’astrologie se baserait sur des observations objectives ? Rien de plus faux : il s’agit en fait de pures spéculations à partir de quelques éléments (aspect, vitesse…). Prenez la planète Vénus. La douceur de son teint, d’aspect laiteux, en a fait la planète de la douceur et de la beauté. Hélas, les sondes spatiales envoyées dans son atmosphère ont révélé que ce bel aspect était due à une atmosphère fortement chargée en souffre et acide sulfurique, à tel point que les instruments ne pouvaient résister plus de quelques minutes… Si les anciens avaient su cela, auraient-ils adopté la même symbolique ?

L’astrologie prétend que la position des planètes au moment de la naissance (plus précisément lors du premier cri) confère à l’enfant son patrimoine psychique. Alors, pendant neuf mois, rien ne le toucherait ? Et pourquoi limiter l’instant au premier cri ? Et quelle est la valeur de l’heure inscrite à l’État civil, alors qu’une simple erreur de quelques minutes suffit à modifier les influences censées toucher l’enfant ?

Il n’y a pas une astrologie, mais des astrologies. En Occident, l’astrologie la plus utilisée est l’astrologie tropique. Mais une forte minorité d’astrologues utilisent l’astrologie sidérale. Si vous êtes Poisson pour l’astrologie Tropique, vous voila Bélier pour la Sidérale ! L’astrologie chinoise, quand à elle, utilise très peu les planètes, se contentant du Soleil et de la Lune. Quand au signe, il est attribué selon l’année… Il existe aussi une astrologie égyptienne, hindoue, aztèque… Malgré leurs contradictions, aucune d’entre elles n’est plus juste ou fausse que l’autre. Chacune a son petit succès. Question de mode. Mais surtout, chacune est le fruit d’une culture.

L’astrologie ne tient pas compte de la profondeur du ciel. Pour ses calculs, elle place toutes les planètes à la même distance. Pourtant, une planète comme Mars évolue entre 4 minutes-lumière et 20 minutes-lumière de la Terre selon les époques : pour les astrologues, pas de différences. Mais si la distance ne joue pas, pourquoi l’astrologie se limite à notre seul système solaire ? En fait, le dogme astrologique s’est construit à une époque où la profondeur du ciel était inconnue : les connaissances ont évolué. Pas l’astrologie.

L’astrologie n’a rien à voir avec l’astronomie. Le zodiaque qu’elle utilise est totalement fictif et faux. Il ne correspond pas aux constellations, n’est pas assez large pour pouvoir placer toutes les planètes dessus, comporte un nombre de signes inexacts (12 au lieu de 13), ces signes sont tous égaux alors que les constellations sont de tailles diverses, les planètes et leurs particularités sont ignorées…

L’astrologie ne prend pas en compte la masse des planètes, mais se sert du phénomène des marées (du à la masse de la Lune et du Soleil) pour montrer que les planètes ont une influence sur nous…

L’astrologie aligne son zodiaque, dont le premier signe est celui du Bélier, sur le premier jour de printemps car « l’homme est un être de saison », alors qu’elle devrait le faire débuter lors de l’entrée du Soleil dans la constellation du Bélier. De plus, si le signe du Bélier correspond au printemps dans l’hémisphère Nord, il tombe au début de l’automne pour l’hémisphère Sud (où les saisons sont inversées)! Pas de problème, ça marche quand même…

L’astrologie n’a rien de scientifique

Si les astrologues accolent si souvent le terme de scientifique à celui d’astrologie, ce n’est que pour tromper le public : l’adjectif scientifique n’est là que pour dire vrai. Sur le terrain de la science, cette discipline vieille de plusieurs milliers d’années, n’a pas évolué. Déjà en 1666, lors de la création de l’Académie des sciences, l’astrologie ne fut pas admise.

L’utilisation de l’astrologie pour le recrutement est illégale !

Selon la Loi « relative au recrutement et aux libertés individuelles » (Journal officiel du 1.1.1993), « les méthodes et techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de le finalité poursuivie. » L’astrologie ne correspond pas à ce critère.

De plus, cette même loi prévoit que « le candidat à un emploi doit être expressément informé, préalablement à leur mise en ¦uvre, des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard. » Ce qui n’est quasiment jamais le cas.

Enfin, introduire le critère astrologique dans le recrutement revient à considérer que des personnes sont « bien » ou « mal » nées, ce qui constitue bel et bien une discrimination dénoncée clairement par la Charte internationale des droits de l’homme, et la législation anti-discriminatoire de la République française.

En utilisant l’astrologie, on prend le risque de passer à coté de personnes compétentes et parfaitement adaptées au poste à pourvoir. En plus du surcoût que ces pratiques représentes, le présent et l’avenir du candidat et de l’entreprise sont mis en péril !

 

(1) S. Carlson, A double-blind test of astrology. Nature, 1985, 318.
(2) S. Fuzeau-Braesch, L’astrologie, Que sais-je ? 2481, PUF, 1989.

Voir aussi :

  • Au coeur de l’extraordinaire, Henri Broch. L’horizon chimérique, Bordeaux, 1992.
  • Astrologie : science, art ou imposture ? F. Lequevre. L’horizon chimérique, Bordeaux, 1991.

 

Biorythmes et gestion du personnel

La théorie des Biorythmes

Créée à la fin du siècle dernier par le médecin berlinois Wilhelm Fliess, enrichie vers 1920 par un ingénieur autrichien nommé Teltscher, la théorie biorythmique que nous connaissons aujourd’hui peut se résumer ainsi : l’homme est régit par trois cycles qui démarre à l’instant de la naissance. Un cycle physique de 23 jours, un cycle émotionnel de 28 jours, et un cycle intellectuel de 33 jours. La consultation du graphique de vos biorythmes est censée vous informer sur votre état dans ces trois domaines, dans le présent ou le futur…

Cette présentation est à enrichir de quelques renseignements sur les créateurs de la théorie biorythmique. Wilhelm Fliess a vu ses travaux très rapidement rejetés comme excentriques par toute la communauté scientifique, et son ouvrage principal est une curiosité intellectuelle : Les relations entre le nez et les organes génitaux de la femme. Quand à Teltscher, aucun document direct n’est disponible sur lui…

Une technique encore peu employée, mais…

Bien qu’il soit difficile d’en connaître l’ampleur, cette technique sert dans des entreprises, notamment celles à vocation commerciale, afin, par exemple, d’évaluer le « potentiel » d’une personne le jour de la discussion d’un contrat important. Mais le succès qu’elle rencontre auprès dans la population pourrait favoriser le recours plus fréquent à cette théorie de la part des entreprises.

C’est déjà le cas aux États Unis et au Japon, où, selon les défenseurs de cette théorie, plus de 5000 entreprises l’utilisent avec succès.

Ne pas confondre biorythmes et rythmes biologiques.

L’homme est rythmé par différents cycles : le circadien (± 24 heures), les cycles du sommeil, etc. Une branche de la biologie, la chronobiologie, s’occupe de leur étude. Les trois rythmes utilisés dans la théorie biorythmique ne correspondent à aucun des rythmes trouvés et étudiés par la chronobiologie. De plus, aucun des rythmes biologiques n’a le caractère fixe, immuable et mathématique des biorythmes. Au contraire, leur variation entre les personnes, et chez la même personne selon les moments, dépend le plus souvent de leur environnement. Enfin, si les biorythmes commencent simultanément à l’instant de la naissance, les rythmes biologiques se mettent en place à des moments différents, voire avant la naissance.

Les biorythmes réfutés par l’expérience !

Jean-Bruno Renard, Maître de conférences en sociologie à Montpellier-III, rappelle qu’ « aucune des études statistiques qui prétendent démontrer l’existence des biorythmes n’est fiable. Inversement, plus d’une vingtaine de recherches sérieuses ont démontré qu’il n’existait aucune corrélation entre les événements de la vie et les positions biorythmiques ».

Henri Broch, Professeur de physique à l’université de Nice, s’amuse avec la théorie biorythmique. Difficile de croire que chacun des cycles puisse correspondre exactement à sa durée annoncée (par exemple, 28 jours, 0 heures, 0 minutes, 0 secondes, pour le cycle émotionnel). Broch fait une simulation avec 27,98 jours. Écart bien maigre de 7 dix-millièmes par rapport à la théorie. Mais qui donneront un décalage de 2 jours au bout de 7,7 ans. Et de dix jours vers 38 ans. La théorie n’a alors plus aucune valeur !

Aujourd’hui, malgré les titres qu’ils s’auto-attribuent, aucun « spécialiste » des biorythmes n’appartient à la communauté scientifique.

La théorie biorythmique, malgré son apparence, n’a rien de scientifique. Et reste sans valeur.

 

Sources :

  • Le paranormal, ses documents, ses hommes, ses méthodes. Henri Broch, Points Sciences, Paris 1989.
  • Biorythmes, l’apparence de la science. Jean-Bruno Renard. Sciences Humaines n°53, août-septembre 1995.