Relation entre sectes et zététique, et spécificité de la lutte contre les dérives sectaires
Éric Lowen
Université d’été du Cercle zététique Languedoc-Roussillon, 7 et 8 juillet 2012 – Saint Gély du Fesc
En préalable, la distinction doit être faite, et a d’ailleurs été faite y compris au niveau des institutions de l’État (MILS devenue MIVILUDES), entre secte et mouvement non sectaire mais induisant des dérives de type sectaire.
Ex : une école d’astrologie, n’est pas forcément une secte mais peut évoluer autour de la personnalité de l’animateur. Les cas sont repérables également autour des médecines alternatives, douces, etc. À distinguer des mouvements pour lesquels la démarche sectaire est inscrite dans l’ADN dès le départ (ex la scientologie).
Nous resterons dans le cadre franco-français.
Dans un premier temps, on trouve un traitement traditionnel depuis la fin des années 70 (CCM-Centre Roger Ikor, ADFI) centré sur l’aide aux victimes, pour la plupart anciens adeptes, victimes directes ou indirectes, qui ont partagé leur expertise de l’expérience sectaire. Ce qui explique d’ailleurs la persistance d’une forme d’attachement aux convictions de base (religieuses ou philosophiques) qui avaient antérieurement motivé leur adhésion. Ce traitement centré sur la victime n’aborde pas les idées qui sont à l’origine du processus de domination/victimisation. Ces associations se disent neutres en ce qui concerne les idées ou les affirmations. C’est une démarche qui se rapproche de celle de la justice dans le traitement des affaires où des sectes sont impliquées : on ne prend pas parti sur le contenu des idées (liberté d’opinion), la justice ne sanctionne que les infractions à la loi. Or nombreuses sont les sectes qui s’arrangent pour ne jamais enfreindre la loi. Ex : la Sokka Gakaï. Même les Témoins de Jéhovah s’arrangent pour être en règle avec la loi. Même leurs convictions sur l’aspect médical ne s’analysent pas réellement comme un contournement de la loi.
Dans un 2e temps, ces mouvements anti-sectes rencontrent la démarche zététique, la zététique entrant en opposition avec des idées ou des pratiques qui sont précisément celles de mouvements sectaires. Ex : Éric Maillot sur les OVNIs contre les Raéliens. L’affrontement porte alors à deux niveaux : pourquoi les adeptes croient-ils des affirmations non prouvées, mais aussi pourquoi le mouvement sectaire tient-il absolument à développer ce type de croyance ?
Le GEMPPI représente une approche nouvelle qui croise les deux approches, défense de la victime et combat sur les idées.
Une précision sur le concept de gourou : le gourou n’est pas qu’un enseignant, mais est un passeur, une interface dans l’ascension spirituelle du fidèle.
Certaines sectes recrutent les paumés, mais d’autres ne recrutent pas des paumés (Nouvel Acropole). Il faut donc distinguer différentes stratégies de recrutement : il s’agit bien de recruter des « forts » pour assurer l’encadrement, et aussi des « faibles » pour constituer les troupes. Dans le Nouvel Acropole, les adeptes ne sont jamais spoliés.
Explications sur le Nouvel Acropole : l’objectif est une prise de pouvoir politique et économique au profit d’un projet de type théosophique. (Laura Wickler – Fernand Schwartz)
Un des intérêts que la zététique peut trouver pour s’opposer à ces mouvements est que la zététique n’a pas de raison pour s’interdire d’entrer en lutte sur les idées, ce qui autorise une intervention « en amont » de la problématique sectaire. La logique est plutôt vaccinale que réparatrice.
La nuisance des mouvements sectaires peut toujours être reconstituée a posteriori en remontant jusqu’aux prémices à partir desquels se déroule tout le processus de sectarisation et le passage à l’acte final (suicide collectif ou affrontement armé avec le reste du monde). Et les méthodes utilisées pour plier un adepte à la discipline de la secte pourraient être acceptables dans un contexte normal, mais prennent sens à la lumière des principes du mouvement sectaires : méditer, jeûner, pourquoi pas, sauf lorsque c’est mis au service d’un embrigadement et d’un lavage de cerveau.
Dimanche matin, après le petit déjeuner, Eric Lowen nous entretient des relations entre la zététique et la spécificité de la lutte contre les dérives sectaires ; il nous présente les différentes époques de la lutte anti-sectes, initialement centrée sur l’aide aux victimes (essentiellement d’anciens adeptes, ou des adeptes désirant reprendre leur autonomie ; exemples avec l’association de Roger Ikor, et de l’ADFI), et ne s’attaquant pas au contenu idéologique y compris dans le traitement judiciaire, au nom de la liberté d’expression.
Contrairement à l’opinion répandue, la majorité des gens qui adhérent aux sectes ne sont pas des individus paumés ; et certains sont capables de monter des contre-enquêtes de validation, en particulier pour s’opposer à la déconstruction du discours sectaire entrepris par les associations rationalistes, et zététiques.
Il nous fait remarquer qu’aujourd’hui, les sectes efficaces respectent la loi (pas d’agressions sexuelles ; pas de spoliation) ; exemple avec la secte « La nouvelle acropole ».
Au contraire des associations de lutte contre les sectes, la zététique est concernée par le discours ; par exemple, elle s’oppose au discours sur les ovnis des raéliens. D’après Eric, le contenu crédentiel du discours permet d’identifier les sectes, et que c’est là que doit se situer le rôle anti-sectes de la zététique. Par contre, la zététique est en principe moins concernée par la question du soutien aux victimes.
D’après Eric, le but d’une association telle que « La nouvelle acropole » est rien de moins que la recherche du pouvoir. Et il prédit qu’une montée en puissance du discours anti-secte de la zététique, devrait s’accompagner d’une montée équivalente de la contre-attaque des sectes.
A la question sur certaines pratiques hospitalières alternatives, il remarque qu’il peut s’y cacher des chevaux de Troie, et qu’il est nécessaire de rester vigilant.
Par contre, il considère que les pratiques new age de Nature et Decouverte restent dans les limites.