Par Adeline Sire, octobre 2016. Le titre exact du mémoire qui sert de support à cet exposé est : « Etude exploratoire de la représentation sociale du terrorisme ». Voir en dessous du diaporama, le texte introductif rédigé par Adeline Sire
Contexte et problématique.
Le terrorisme est historiquement la « politique de terreur pratiquée pendant la Révolution », par extension « l’emploi systématique par un pouvoir ou par un gouvernement de mesures d’exception et/ou de la violence pour atteindre un but politique » ; ou encore « l’ensemble des actes de violence qu’une organisation politique exécute dans le but de désorganiser la société existante et de créer un climat d’insécurité tel que la prise du pouvoir soit possible » et par analogie une « Attitude d’intolérance, d’intimidation dans le domaine culturel, intellectuel et/ou spirituel » (CNRTL) . Sa théorisation ne fait pas consensus auprès des chercheurs en sciences politiques et sociales et il est envisageable que « c’est l’inconsistance de l’objet qui est au principe des difficultés de son approche théorique » (Rapin, 2008). La qualification d’actes comme relevant du terrorisme plutôt que de la guerre, de la résistance, de la révolution ou du régime autoritaire est conditionnée par les intérêts et l’idéologie de celui qui la produit et soumise à l’évaluation de la nature de ses auteurs et de leurs objectifs.
Le terrorisme n’est pas nouveau et, ces dernières années, moins important que dans les années 70-80 en nombre d’attentats et de victimes en Europe de l’ouest (Voir annexe 1). Cependant, dans les débats, on différencie les acteurs et leurs motivations (indépendantiste, extrême gauche/anarchiste, islamiste), les contextes (décolonisation, guerre froide), les types d’action (victimes ou non, prise d’otage ou bombe) et les pays. Ces chiffres ne convainquent pas, le terrorisme que nous vivons actuellement nous apparait comme un risque émergent.
En effet, il est actuellement un sujet de société majeur, abondamment traité par les experts, les media, les politiques et les universitaires. Il entraine de nombreux débats au niveau juridique, institutionnel, social, etc. Les dispositifs et les normes comportementales dans les lieux publics ont évolué, notamment dans les transports, les manifestations (sportives, culturelles, sociales) et aux abords de certains types de lieux. Certains de ces changements et leurs conséquences possibles sont âprement débattus, avec pour enjeu la place du curseur entre sécurité et liberté. Or, si on l’aborde sous l’angle du risque, le danger est certes intense mais la probabilité qu’il s’actualise pour la moyenne des individus est extrêmement faible. On peut alors se demander pourquoi il a un tel impact. L’approche par la raison, la statistique, ne permet pas de répondre. C’est seulement sous l’angle du fonctionnement des peurs collectives (Delouvée et al., 2013), qui relèvent de la pensée sociale (Rouquette, 2009) que l’on peut avancer dans la compréhension du phénomène.
Dans son ouvrage « deux semaines avec Charlie », Moliner nous livre une approche psychosociale multidimensionnelle des suites des attentats de janvier 2015 (Moliner, 2015). Il consacre son deuxième chapitre aux communications relatives aux évènements, rappelant que ce sont les processus de communication qui relient l’individuel au collectif. Il y relève la « boulimie d’information » qui s’est manifestée par une consultation massive des chaines d’information en continu, de toute émission traitant du sujet ainsi que de la presse, montrant que les français ne cherchaient pas seulement à connaitre les faits mais à leur donner un sens.
La confrontation à un objet social nouveau ou non familier engendre une « pression à l’inférence » si aucun discours n’est reconnu légitime pour l’expliquer (Moscovici, 1961), notamment s’il constitue une menace : Les individus doivent alors se forger leur propre avis pour répondre aux injonctions sociales de positionnement vis-à-vis de cet objet. Il faut avoir une opinion sur ce qu’il est et comment se comporter à son égard. Les individus cherchent donc à s’informer et à comparer leurs opinions pour déterminer à quel point et par qui elles sont partagées.
Or, sur ce sujet il n’y a pas de consensus apparent des « experts », pourtant très sollicités par les media, et leur légitimité est remise en question. En outre, les français se déclarent peu confiants dans la parole de l’Etat à propos du terrorisme . De plus, comme le souligne Moliner, le traitement médiatique est critiqué pour diverses raisons : omniprésence, sensationnalisme, objectifs idéologiques et financiers, etc.
Dans cette profusion et confusion informationnelle, véritable « marché cognitif » (Bronner, 2013) et dans ce climat de défiance, alors que le besoin de compréhension est fort, les théories explicatives conspirationnistes semblent avoir un succès croissant depuis les polémiques sur les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats Unis. Ce prisme de compréhension des évènements est lui aussi beaucoup étudié. Il est aussi combattu, par exemple, dans la société civile avec des sites de vérification et de mise à l’épreuve des informations (Hoaxbuster, Zététique) et au niveau de l’Etat avec la campagne d’information « On te manipule ».
Deux questions se posent alors. Qu’est-ce que le terrorisme pour les gens, autrement dit : quelle est la représentation sociale du terrorisme ? Et l’adhésion à une vision conspirationniste des évènements l’influence-t-elle ?
Baromètre sur la perception des risques et de la sécurité 2015 de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) : http://barometre.irsn.fr/
Les réactions des Français aux attentats du 13 novembre, IFOP 2015 : http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=3202