L’homéopathie mise en question… une nouvelle fois !

ArticHoméopathie 2le paru sur le site du Huffpost le 20 mars 2018 :

Des médecins partent en guerre contre ce qu’ils appellent la « fake médecine », plus connue sous le nom de médecine alternative. Dans une tribune relayée dimanche 18 mars par Le Figaro, 124 praticiens affirment que ces traitements, notamment l’homéopathie, ne sont « en rien scientifiques » et pas efficaces.

 Évidemment, cette tribune a provoqué des polémiques sur les réseaux sociaux, entre défenseurs et pourfendeurs de ces techniques. Mais que dit vraiment la science de tout cela, et plus particulièrement de l’homéopathie, qui est devenu une véritable industrie à 3 milliards de dollars, rien qu’aux Etats-Unis?
 Ce concept, à l’inverse d’autres « médecines alternatives », est assez récent. Il a été inventé par Samuel Hahnemann au début du XIXe siècle. Le médecin affirme alors qu’il est possible de guérir le mal par le mal, en quelque sorte. Pour Hahnemann, diluer une dose infinitésimale d’un poison peut permettre à l’organisme de guérir.
 Depuis, le phénomène s’est énormément développé. En 2012, 56% des Français affirmaient utiliser des médicaments homéopathiques. Mais peut-on vraiment parler de médicaments?

Ces dernières années, de nombreux chercheurs ont analysé les centaines d’études publiées dans des revues scientifiques pour essayer de savoir si ces doses ultra-diluées avaient vraiment des vertus. Et si la réponse est plus complexe qu’il n’y paraît, ce n’est certainement pas un grand « oui ». Loin de là.

Certes, plusieurs études ont montré un impact des traitements homéopathiques. Sauf qu’une expérimentation n’est pas suffisante. Il peut y avoir un biais. Ou de la simple chance. Il peut y avoir des facteurs extérieurs qui faussent le résultat.

Alors les scientifiques réalisent des « meta-analyses ». Soit des études de nombreuses études, pour essayer de trouver un schéma, de vérifier un premier résultat. Mieux, en 2015, des auteurs ont réalisé pour le compte de l’institut de la santé australien une meta-analyse de 57 meta-analyses.

Et ici, les résultats ne sont pas bons pour l’homéopathie. L’organisme australien « conclut qu’il n’existe pas de problèmes de santé pour lesquels il existe une preuve fiable que l’homéopathie est efficace ». Ainsi, celle-ci « ne devrait pas être utilisée pour traiter des problèmes de santé qui sont chroniques, sérieux, ou pourraient devenir sérieux ».

Un problème de biais

En 2017, un rapport du Conseil scientifique européen est arrivé à la même conclusion. La même année, une autre méta-analyse n’a pas réussi à trouver de preuves concrètes de l’efficacité des traitements homéopathiques.

Dans cette dernière, les chercheurs mettent surtout en évidence le fait que pour beaucoup d’études, les conditions de contrôle ne sont pas suffisantes. Pour qu’une expérimentation soit le plus solide possible, il faut bien encadrer le processus pour éviter un maximum de biais.

Notamment en mettant en place un groupe de contrôle qui ne prend pas le traitement, mais en est persuadé. Et est également dans les mêmes conditions que les cobayes testant le médicament. Il faut également que ni les patients, ni les chercheurs ne puissent distinguer les deux groupes.

Justement, dans de nombreuses meta-analyses, les chercheurs rappellent que de nombreuses études, notamment dans le rang de celles censées prouver l’efficacité de l’homéopathie, ne respectent pas toujours ces critères. Ou concernent trop peu de patients. Ou n’ont pas réussi à être reproduites par une autre équipe.

L’homéopathie peut-elle marcher sans être efficace ?

Alors, l’homéopathie est-elle bonne à jeter? Certes, ne pas prouver l’efficacité d’un traitement ne veut pas dire qu’il n’est pas efficace. Mais tout de même, le phénomène a été longuement étudié et aucune preuve tangible ne donne raison à l’efficacité du traitement homéopathique. Pour autant, les choses méritent peut-être un peu de nuance.

Une manière d’expliquer certains résultats d’études considérées comme faibles ou biaisées consiste à évoquer l’effet placebo. Dans une tribune publiée en 2015 dans le Guardian, le chercheur Edzard Ernst, qui analyse plus particulièrement les médecines alternatives, expliquait pourquoi il avait changé d’avis sur l’homéopathie.

Attention, le scientifique ne dit pas que celle-ci est efficace en tant que telle. Loin de là. Il a même publié en 2002, lui-aussi, une meta-analyse des meta-analyses. « Il est conclut que les meilleures preuves cliniques concernant l’homéopathie à date ne justifient pas de recommandations positives ».

Mais depuis, il a changé d’avis. Pas sur l’absence d’efficacité de traitements hautement dilués. Mais sur le fait que des patients peuvent aller mieux après, non pas grâce à un pseudo-médicament, « mais grâce à l’effet placebo et à une longue consultation avec un clinicien compatissant ».

D’ailleurs, il rappelle qu’une étude de 2011 (à double aveugle avec groupe de contrôle) semblait indiquer que ce n’est pas le remède homéopathique qui fait aller mieux le patient, mais la simple consultation.

La puissance de l’effet placebo

Car l’effet placebo est bien réel, multiple et parfois très efficace, comme le rappelle Vox. Ainsi, et pour reprendre l’idée de la consultation évoquée par Edzard Ernst, on peut rappeler que les patients qui reçoivent un anti-douleur de manière cachée en ont besoin de deux fois plus que ceux dont le médicament est administré par un infirmier.

Encore plus improbable: une fausse chirurgie (le fait de pratiquer une incision, mais de ne rien changer pour autant) entraîne des améliorations de l’état du patient dans 75% des cas.

Peut-on alors estimer que l’homéopathie peut avoir un intérêt, grâce à l’effet placebo? Cela pose tout de même la question du prix de ces traitements (qui n’ont, scientifiquement, pas plus d’efficacité qu’une pilule de sucre ou de farine). Mais, aussi et surtout, des dérives possibles.

Il y a d’abord le risque que des patients atteints de troubles graves, nécessitant un traitement, refusent un médicament classique, dont l’efficacité est prouvé, et se tournent vers l’homéopathie. Il y a également le risque de voir certains traitement homéopathiques faire plus de mal que de bien.

Rapport bénéfice-risque

En 2017, la FDA, l’agence américaine de régulation des médicaments, a mis en garde contre des produits homéopathiques destinés à alléger les douleurs dentaires des bébés. Ceux-ci sont suspectés d’avoir entraîné la mort de 10 enfants et l’hospitalisation de 400 enfants. En cause: une plante toxique, la belladone, était présente dans le produit en trop grande quantité.

A la fin de l’année, la FDA a précisé qu’elle allait durcir la réglementation des produits homéopathiques, notamment de ceux contenant des substances potentiellement toxiques ou vantant des bienfaits contre le cancer, les maladies cardiaques, ou encore l’addiction aux opioïdes et à l’alcool.

Et en France? Comme le rappelle le journaliste spécialisé Jean-Yves Nau sur son blog, l’Ordre des médecins a répondu à la tribune des 124 praticiens en rappelant qu’un médecin doit exercer dans ce domaine « avec discernement, et l’homéopathie ne saurait en aucun cas remplacer la médecine ».

La question de l’homéopathie n’est donc peut-être pas de savoir si ce traitement a une efficacité scientifique prouvée, mais si son usage est bénéfique ou négatif pour la santé publique. Un débat qui reste à trancher.