Le pastafarisme, la religion du spaghetti qui passe les croyances à la casserole

En cette période de rentrée, prolongeons un peu la décontraction des vacances avec un peu d’humour venu du Pastafarisme (un humour non dénué d’une certaine réflexion… à vous d’en juger). Ce texte a été publié sur le site de France Info le 27 août 2018.

Le pastafarisme, la religion du spaghetti qui passe les croyances à la casserole

Ils rêvent de pouvoir porter une passoire sur la tête sur leur photo d’identité et vénèrent un monstre en spaghettis volant. Depuis plus de dix ans, les pastafariens manient l’ironie et l’absurde pour questionner les dogmes religieux et les croyances. Explications.

Il était une foi un peu nouille, où les adeptes étaient vêtus comme des pirates et se coiffaient la tête d’une passoire. Treize ans après sa création, les fidèles du pastafarisme (ou « église du spaghetti volant ») perpétuent cette foi parodique et loufoque, avec des demandes toujours plus farfelues auprès des administrations. Récemment, la justice néerlandaise a estimé que le pastafarisme n’était pas une religion et a refusé qu’une de ses adeptes porte une passoire sur sa tête sur la photographie de son passeport.

L’étudiante Mienke de Wilde, qui invoque des « raisons religieuses », veut désormais porter l’affaire devant la Cour européenne des Droits de l’homme. A l’inverse, la passoire est admise depuis 2013 sur les documents officiels du Texas. Et en 2016, un mariage pastafarien a même été célébré en Nouvelle-Zélande, lors d’une cérémonie officielle et reconnue par l’Etat. Une tenue de pirate avait alors remplacé la traditionnelle robe de mariée.

Une réponse aux pressions religieuses
Ces fidèles croient (pas vraiment) en l’existence d’un monstre en spaghettis volant qui aurait créé le monde en une journée, après une cuite mémorable. Bien entendu, nulle religion sans prophète. La révélation a lieu en 2005, quand l’Américain Bobby Henderson adresse une lettre ouverte (en anglais) au comité d’Etat à l’éducation du Kansas. Un peu plus tôt, des groupes religieux étaient parvenus à obtenir une place pour l’enseignement de la théorie créationniste à l’école, aux côtés de la théorie de l’évolution. Science et croyance étaient ainsi renvoyées dos à dos.

Pour dénoncer l’absurdité de la situation, l’étudiant crée de toutes pièces une nouvelle religion en reprenant les codes des autres monothéismes. « Nous espérons qu’un jour, ces trois théories [évolution, créationnisme et pastafarisme] auront droit au même temps d’apprentissage dans les cours de sciences du pays », écrit-il, en ajoutant le premier croquis de la divinité nouilleuse, caractérisée par ses deux boulettes de viande et ses yeux.

Un étudiant américain a inventé une nouvelle religion il y a plus de dix ans. (BOBBY HENDERSON)

Bobby Henderson va encore plus loin l’année suivante, avec la rédaction de L’Evangile du Monstre en spaghettis volant (éd. Le Cherche Midi), considérée comme la Bible des pastafariens.

« Les religions se mêlent très souvent de science et investissent tout un tas d’espaces qui ne sont pas les leurs, estime Michel Noirret, auteur du Vert Missel (éditions Télélivre). Ce « grand nouilleux de Belgique » connaît parfaitement la doctrine, lui qui a reçu une patente du prophète pour enseigner la doctrine – il assure même disposer d’un certificat. « Comme toute bonne religion, le pastafarisme a donc des visées scientifiques », ajoute le fidèle. Une référence à l’avénement d’une superscience, comme l’explique Bobby Henderson dans son ouvrage.

Quelques exemples ? Selon le dogme, la Terre serait en fait âgée de 5 000 ans. Mais le Monstre en spaghettis volant, avec un brin de malice, trafique les datations au carbone 14 réalisées par les chercheurs à l’aide de son appendice nouilleux. Quid des dents de sagesse ? Leur présence est due aux pirates, qui avaient l’habitude de porter leurs armes au fond de la bouche. Quant au réchauffement climatique, il est directement lié à la baisse du nombre de forbans dans le monde. En témoigne ce graphique qui permet de visualiser l’absurde corrélation entre les deux phénomènes.

 

Le pastafarisme établit une corrélation ironique entre le réchauffement climatique et la baisse du nombre de pirates. (VENGANZA.ORG)

« Nous ne sommes pas contre les religions, nous sommes contre les folles absurdités commises au nom de la religion. C’est différent », précise le site officiel du mouvement (en anglais). Malgré tout, les membres du courant se heurtent parfois à l’hostilité des croyants des fidèles d’autres religions. « Le pastafarisme est la seule religion réellement universelle, poursuit Michel Noirret, car elle n’exclut pas les autres. On peut être pastafarien et catholique ou musulman. Et nous continuons de nous rencontrer malgré les schismes. »

C’est un miroir tendu aux religions. C’est une façon de les démystifier et d’en montrer les limites. L’absurde amène à se poser des questions et pousse à la réflexion. Mais ce n’est jamais agressif ou méchant. Michel Noirret, « grand nouilleux de Belgique »à franceinfo
La plus athéiste des religions
Quelques désaccords divisent en effet les différentes chapelles pastafariennes. Certains estiment que le Monstre en spaghettis volant a créé le monde après avoir abusé de la bière, d’autres de vin rouge voire même de pastis, selon l’église marseillaise. Le pastafarisme n’a pas d’organisation pyramidale et connaît de nombreux prolongements, dans le cadre de communautés informelles. Parmi les sous-chapelles, citons notamment l’église de la passoire, qui milite pour « un pastafarisme anticapitaliste et social » dans son manifeste.

Peu importe la couleur de leurs voiles ou la route qu’ils se choisissent, les navires du Monstre en spaghettis volant partent tous à l’abordage de l’absurdité transcendantale. Et s’ils dérivent parfois dans des directions opposées, ils se retrouvent toujours dans l’Amour des bonnes blagues, de la bière et des pâtes.Titoubuntu PeriandilManifeste « PASSOIRE »
« Il s’agit évidemment d’athéisme militant », résume Serge Burgman, l’un des quatre administrateurs de l’église pastafarienne de Belgique sur Facebook. Mais ce fidèle pastafarien n’est pas convaincu par les approches trop politiques et préfère se concentrer sur « l’esprit potache, qui est le système même du pastafarisme, sa stratégie ». Etre pastafarien ne change pas grand chose au quotidien, faute d’impératifs liturgiques. Les plus assidus peuvent toutefois consacrer leur vendredi à un bon plat de spaghettis.

Les gens sont de plus en plus fous… Ils pensent que la Terre est plate et croient des conspirations plus débiles les unes que les autres… Ils sont plus influencés par la science-fiction que par les sciences.Serge Burgman, fidèle de l’église pastafarienne de Belgiqueà franceinfo
Par le passé, toutefois, il a déjà organisé des messes pastafariennes dans son grenier. « J’ai dû rappeler aux journalistes de se couvrir la tête avec une passoire, par respect. »

Une réunion pastafarienne en Belgique.  (SERGE BURGMAN)

Mais certains pastafariens poussent la logique encore plus loin, et tentent d’obtenir la reconnaissance officielle de leur religion auprès des autorités. Au Luxembourg, l’autoproclamé archevêque Strozzapreti a ainsi réclamé la présence de son église dans une convention de financement public, au même titre que les autres religions monothéistes. Le ministre des Cultes, Xavier Bettel, qui a notamment évoqué « l’apport au niveau de la création du lien social » et « l’inscription dans la culture et l’histoire de notre pays » pour motiver son refus.

Victor Bonjean, lui, a tenté d’obtenir le droit d’apparaître avec une passoire sur sa carte d’identité, en 2016. « Je suis un pastafarien dévot et ma religion m’oblige à porter un chapeau de pirate ou une passoire sur la tête lorsqu’une photo officielle est prise », justifie-t-il sur son blog. Mais l’administration belge a refusé, en expliquant que le pastafarisme n’était pas reconnu dans le pays.

Une religion est infalsifiable, au sens philosophique donné par Karl Popper : on ne peut pas prouver qu’elle est fausse ou vraie. Mais la question de base, c’est donc de savoir ce qu’est une religion et quels sont les rapports que l’Etat doit avoir avec elle. Je pousse cette logique jusqu’au bout. Victor Bonjean, auteur du « Petit catéchisme du Monstre en spaghetti volant »à franceinfo
Dans un courrier ultérieur, le centre interfédéral belge contre les discriminations a précisé que « le degré de force, de sérieux, de cohérence et d’importance des opinions d[evait] être évalué » pour savoir si l’épisode était une infraction à l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’homme. « Ce n’est pas clair, car la CEDH doit juger l’intention. »

Et maintenant ? « J’ai le projet de faire un peu de prosélytisme avec une promenade en ville dans des tenues de pirates ou avec des passoires, poursuit ce pastafarien, à la manière des Témoins de Jéhovah et de leurs publications. » Serge Burgman envisage lui aussi d’introduire une dose de prosélytisme pour convaincre les ignorants. « Nous avons une offre gold platinium : vous pouvez tester gratuitement le pastafarisme pendant un mois et si cela ne vous convient pas, vous pouvez retourner à vos anciennes croyances. »

Malgré ces récents échecs en Belgique, Michel Noirret voit les choses en grand et espère qu’un jour, le pastafarisme soit enseigné dans les écoles. « On y va sur la pointe des pieds, car on a peur que des aigrefins et des margoulins tirent parti de ça pour faire du fric. » Et comme le disent ses fidèles, également amateurs de nouilles japonaises : »RAmen. »

Source de cet article :

https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/laicite/le-pastafarisme-la-religion-du-spaghetti-qui-passe-les-croyances-a-la-casserole_2903611.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20180827-[lestitres-coldroite/titre5]